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Fonds « Science et ignorance » – livres reçus, rentrée 2024


Le fonds « Science et ignorance » situé au centre documentaire du CAPHÉS UAR 3610 CNRS/ENS a récemment intégré les monographies suivantes.

Merci de vous reporter au site internet du centre, rubrique « informations pratiques » pour connaître les modalités de consultation.
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McKenna, Robin. Non-Ideal Epistemology. Oxford University Press, 2023. https://doi.org/10.1093/oso/9780192888822.001.0001.



Parageau, Sandrine. The Paradoxes of Ignorance in Early Modern England and France. Stanford: Stanford University Press, 2023.

 

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Ignorance et incertitude dans la communication scientifique : un numéro spécial de la revue «Fachsprache»

Le Routledge International Handbook of Ignorance Studies (Éds. M. Gross & L. Mc Goey, 2015/2022)1 présentait, dans ses deux éditions successives, un chapitre de Nina Janich et Anne Simmerling intitulé «Linguistics and Ignorance»2. Dans le cadre de ce carnet, il nous semble utile de signaler le numéro spécial, paru en 2023, que Nina Janich a coordonné avec Niklas Simon pour la revue Fachsprache : Journal of Professional and Scientific Communication3 . Ce dernier a pour objet la communication de l’ignorance et de l’incertitude et accorde une place importante au cas de l’ignorance scientifique. Ses contributions sont majoritairement en allemand, mais aussi en anglais, et relèvent des domaines de linguistique, des sciences de la communication et de la psychologie sociale.

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  1. Janich, Nina, et Anne Simmerling. « Linguistics and Ignorance ». In Routledge International Handbook of Ignorance Studies, 2e éd. Routledge, 2022. []
  2. Janich, Nina, et Anne Simmerling. « Linguistics and Ignorance ». In Routledge International Handbook of Ignorance Studies, 2e éd. Routledge, 2022. []
  3. Janich, N. & Simon, N. (Éds), « Nichtwissen und Unsicherheit in der Wissenschaftskommunikation » [Ignorance and Uncertainty in Science Communication], Fachsprache, Vol. 45 No. 1-2 (2023) []

Les déchets et leurs modes de dissimulation : un numéro spécial de la revue « Ethnos »

Un numéro spécial coordonné par Catherine Alexander et Patrick O’Hare intitulé  « Technologies of Unknowing Waste: Displacement, Depoliticisation and Disappearance » 1 est paru dans la revue Ethnos en 2023.

Ce dernier regroupe une série de cinq articles, qui présentent différents processus permettant de requalifier des éléments comme « déchets » ou de détourner l’attention de ces derniers. Le terme se rapporte aussi bien, dans ce numéro, aux matériaux et aux territoires, que, par voie de conséquence, aux personnes ou au « vies » qui en dépendent, aussi déroutant que cela puisse paraître ; cela confère aux analyses proposées une portée importante2.

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  1. Alexander & P. O’Hare (Éds), « Technologies of Unknowing Waste: Displacement, Depoliticisation and Disappearance », Ethnos, vol. 88, 2023 []
  2. Voir Alexander & P. O’Hare, « Waste and Its Disguises: Technologies of (Un)Knowing », Ethnos , vol. 88, 2023, p. 438 : Analyser « certaines des nombreuses façons dont les personnes, les terres, les matières et les événements sont présentés comme autres qu’ils ne sont peut remédier à la fois analytiquement et ethnographiquement à une telle occultation, au-delà d’une rhétorique de la rédemption », [traduction : MG] []

En remontant le fil de « la loi sur le bénéfice inverse » : de Howard Brody & Donald W. Light à Julian Tudor Hart

Plusieurs chercheur(e)s du champs des ignorance studies s’intéressent aux marketing dans la recherche pharmaceutique et pointent des situations où la cible commerciale d’un médicament est étendue au-delà des cas pour lesquels il est sans équivoque, utile, au regard de la balance bénéfice/risque et de la médecine fondée sur des données probantes. Trois exemples peuvent ici être cités : S. Sismondo, qui décrit dans un entretien l’ensemble des mécanismes qui sous-tendent la conception de nouveaux médicaments et leur commercialisation, depuis la recherche pharmaceutique, jusqu’à la formation des médecins en passant par le recours aux auteurs fantômes afin d’orienter le contenu des publications.  J. Ferry Danini, qui donne un exemple avec l’usage d’un ancien médicament qui est toujours prescrit aujourd’hui – le spasfon –, alors que les preuves à l’appui de son efficacité pour certaines indications font défaut. Linsey Mc Goey, qui s’est intéressée de son côté à l’orientation de la recherche, et a pu souligner un problème de distribution de priorités dans le financement de ces dernières.

Les deux articles ici présentés, qui proviennent de deux pays différents à quelques dizaines d’années d’écart, ont trait d’une part, aux stratégies d’élargissement de la cible d’un médicament et d’autre part, aux difficultés de mise en place d’un accès équitable aux soins de santé.

S. Sismondo, cite dans son ouvrage Le management fantôme de la médecine1, un article de Howard Brody, bioéthicien, et de Donald W. Light, sociologue, qui proposent ensemble une « loi du bénéfice inverse »2. Cette dernière, un peu provocatrice en apparence, possède l’avantage d’être très lisible.

Selon cet article, publié en 2011 au lendemain de la loi de 2010 sur la transparence du système de santé aux États-Unis — Sunshine act — : les entreprises pharmaceutiques, sans être nécessairement mal intentionnées, peuvent être tentées d’élargir la cible commerciale d’un médicament au risque d’exposer les malades à des effets secondaires de façon injustifiée.

« The inverse benefit law, inspired by Hart’s inverse care law, states that the ratio of benefits to harms among patients taking new drugs tends to vary inversely with how extensively the drugs are marketed.»3

Cette « loi », se manifeste selon six stratégies marketing ou leviers4 :

Reducing thresholds for diagnosing disease Réduire le seuil de diagnostic des maladies
Relying on surrogate endpoints Se reposer sur des critères de substitution
Exaggerating safety claims Exagérer la sécurité
Exaggerating efficacity claims Exagérer l’efficacité
Creating new diseases Créer de nouvelles maladies
Encouraging unapproved uses Encourager les utilisations non approuvées

Selon le tableau proposé par H. Brody et D. Light, par exemple, la prescription de statines en deçà d’un certain seuil de cholestérol, afin de l’abaisser et en vue de prévenir les maladies cardiovasculaires, répond à trois stratégies différentes, tandis que la prescription de certains antipsychotiques peut répondre à quatre stratégies différentes. H. Brody et D. Light, ne nient pas l’efficacité ponctuelle  du levier marketing – cas de la prescription systématique du vaccin contre la rougeole, par exemple – mais appellent à une certaine circonspection.

Comme l’indiquent d’emblée leurs auteurs, cette loi une a valeur heuristique plus qu’elle ne représente un principe de déduction scientifique.
De la même façon, l’article dont elle est inspiré, qui s’applique à l’évolution du système de santé publique au Royaume-Uni, a fourni un modèle explicatif très utile et a été, par ailleurs, abondamment cité.

Julian Tudor Hart, par Raimundo Pastor CC-BY -SA 4.0 Source : Wikipedia

Il s’agit d’un article de Julian Tudor Hart (1927-2018), médecin, spécialiste de l’hypertension, auteur de plusieurs publications et ouvrages sur l’organisation du National Health Service au Royaume-Uni, publié en 1971 et intitulé « The inverse care law »5. Inquiet de la hausse de la mortalité durant les trois décennies qui précèdent la publication de l’article, dans les couches de la population les plus défavorisées, l’auteur y examine les facteurs d’iniquité dans l’accès au soin et tente de prévenir les risques d’une incursion des lois du marché dans le système de santé.

 « The availability of good medical care tends to vary inversely with the need for it in the population served. This inverse care law operates more completely where medical care is most  exposed to market forces, and less so where such exposure is reduced. (…)»6

Cet article eut une réception très retentissante (plus de 4800 citations). Il est par exemple très bien illustré par cet article de J. P. Pell and al.7 qui montre que les populations qui possèdent le plus de risques de développer une maladie coronarienne sont de surcroit les moins dépistées et que le temps d’attente pour l’accès à une chirurgie cardiaque est plus élevé au sein des populations les plus défavorisées.

Julian Tudor Hart publiera plus tard un ouvrage dans lequel il fait des préconisation pour un système profitable à tous et moins soumis aux lois du marché, intitulé The Political Economy of Health Care: A clinical Perspective (Bristol: Policy Press 2006).

 

  1. Simondo, Sergio, Ghost managment of medicine : Big Pharma’s Invisible Hands, Mattering Press, 2018, p.153-154. []
  2. Brody, Howard, et Donald W. Light. « The Inverse Benefit Law: How Drug Marketing Undermines Patient Safety and Public Health ». American Journal of Public Health 101, no 3 (mars 2011): 399‑404. https://doi.org/10.2105/AJPH.2010.199844 []
  3. ibid, résumé p. 399 []
  4. ibid, Fig. p. 401. Brody, Howard, et Donald W. Light y donnent des exemples de produits pharmaceutiques pour chaque levier []
  5. Tudor Hart, Julian. « The inverse care law». The Lancet, Originally published as Volume 1, Issue 7696, 297, no 7696 (27 février 1971): 405‑12. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(71)92410-X []
  6. ibid, résumé p. 7696 []
  7. Pell, Jill P., Alastair C. H. Pell, John Norrie, Ian Ford, et Stuart M. Cobbe. “Effect of Socioeconomic Deprivation on Waiting Time for Cardiac Surgery: Retrospective Cohort Study”. BMJ: British Medical Journal 320, no 7226 (2000): 15‑18. On peut lire également le commentaire de Julian Tudor Hart,  “Commentary: three decades of the inverse care law”, BMJ 2000 Jan 1;320(7226):18-19. https://www.jstor.org/stable/25186722 à cet article []